24 février 2012

Quand la tragédie a un visage

Les drames ne nous touchent pas tous de la même façon. Souvent, les tragédies, heureusement, portent des masques qui nous protègent de l'inconcevable, l'inacceptable, l'innommable... Protection intérieure oblige. Cependant, lorsque la mort frappe près de nous, tous les masques tombent et la douleur humaine nous afflige. Cette semaine, lundi précisément, pendant que je prenais congé parce que mon fils était malade, un terrible accident de voiture d'une rare violence (à la une des journaux) a enlevé la vie à la mère d'un de mes élèves. Lui, ce jeune É., le coeur vaillant, celui qui hante ma conscience et mes prières depuis ce temps, se remet lentement de ses blessures. La vitesse d'un chauffard ou d'un fou ou d'un suicidaire, peu importe, mais la vitesse d'un homme qui avait perdu la raison.

Le lendemain, devoir annoncer la vérité aux autres élèves, les voir pleurer, les voir si troublés et si déboussolés fut d'une profonde tristesse. Apercevoir le bureau du jeune É., avec son sac d'école et ses livres pêle-mêle. Admirer un écu qu'il avait fièrement créé avec sa devise : Vivre ses rêves. Me rappeler son visage en pleurs au son de la cloche, au dernier cours, à la suite d'une altercation avec un autre élève. Me rappeler les conversations avec sa mère et me souvenir à tout jamais qu'elle aimait éperdument son fils. Me remémorer son désir de faire connaître les élèves présentant, comme lui, des troubles d'attention et d'apprentissage aux autres parents. La voir avec un livre de grammaire parce qu'elle voulait comprendre la langue française afin de mieux la faire apprécier et maîtriser à son fils. L'entendre lui dire : «T'es beau, t'es intelligent, t'es capable...» D'en haut, je sais pertinemment qu'elle veille sur lui, le protège et le ramène tranquillement à la vie.

Enfin, dans le dédale de mes pensées et émotions dispersées, dans le flot de mon quotidien surchargé, voir cette histoire de famille anéantie, bêtement détruite à jamais, bascule toutes mes convictions. Prendre conscience, encore et toujours, que la vie est si fragile, éphémère et terriblement courte. Carpe diem. Plus que jamais, j'ai envie de vivre mes rêves, plus que jamais, j'ai envie de foncer, une fois pour toutes.

***
Avant le dodo...

- Angélique, voudrais-tu faire une belle petite prière pour mon élève?
- Petit Jésus, fais que l'élève de maman ne soit plus mort...

23 commentaires:

  1. Billet touchant, je suis émue. Très émue. Toutes mes pensées vont vers le jeune É. et sa famille, leur vie vient de basculer...

    C'est vrai, la vie est fragile, courte et parfois imprévisible. Dommage que ça nous sorte de la tête et que nous vivions tous comme si nous étions immortels...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu as bien raison, nous vivons tous comme si nous étions immortels. Et pourtant...

      Supprimer
  2. Je t'envoie aussi plein de douceur...
    C'est tellement triste.
    -xox-

    RépondreSupprimer
  3. Ton billet me touche profondément car je travaille avec son papa. À chaque jour depuis l'accident je pense au combat que livre cette famille pour rester en vie malgré la perte de cette femme. Car lorsque les blessures physiques auront disparu il restera la blessure du coeur d'un homme vaillant ayant perdu la femme qu'il aime et de deux enfants ayant perdu leur Maman à tout jamais.

    Ce drame me donne encore plus d'énergie à aimer et profiter de mes petits bouts de vie qu'à effectuer mon travail avec acharnement.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mon Dieu! Tu travailles avec son papa! Il prendra du temps pour revenir à son travail avec un coeur à l'ouvrage... Comme tu l'écris si bien, ça nous donne plus d'énergie pour aimer et profiter de nos bouts de vie! :)

      Supprimer
  4. Douce pensée pour toi et ton élève. Une amie a eu un grave accident de la route en janvier. Poquée mais en vie. Ça nous fait relativiser ma chère... Prend soin de toi et des tiens. 4.x

    RépondreSupprimer
  5. Ouf... (larmes qui coulent sur mes joues).

    RépondreSupprimer
  6. Émouvant billant et très inspirant. Merci,
    Marie-Noël

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci à toi Marie-Noël de laisser un si gentil mot.

      Supprimer
  7. Mes sympathies à toi et tous ceux autour. Ouf...savourer la vie tu dis? Et dire aux gens combien on les aime...

    RépondreSupprimer
  8. J'ai le coeur triste .... profitons de notre bonheur, et envoyons de l'amour à cette famille

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Profiter de notre bonheur, c'est tout ce qui compte!

      Supprimer
  9. Tu m'as fait pleurer avec ton magnifique billet....:-(

    RépondreSupprimer
  10. Mon coeur pleure et j'ai envie de prier avec toi xxx

    RépondreSupprimer
  11. Mes sympathies à la famille. Votre billet est touchant, bien écrit et va droit au coeur. On sait que votre élève aura tout l'appui de sa professeure et de ses compagnons de classe, ce qui est tellement important lors d'un deuil. Encore une fois, votre présence chaleureuse et votre écoute comptent. C'est un travail profondément humain que d'enseigner, on disait autrefois une vocation. Merci d'être là.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Profondément humain et profondément « énergivore » pour le coeur... Merci pour votre commentaire.

      Supprimer

Merci de me laisser un mot sympathique.