18 février 2015

Ah! Ces mots qui blessent!

Le billet de Julie Philippon, Éducation : quand les mots blessent, a fait fureur sur les réseaux sociaux. C'est parce qu'il frappe très fort, puissant et terriblement évocateur pour les parents et les éducateurs que nous sommes. Tout comme Julie, mon enseignement a beaucoup changé depuis que je suis maman. À cet effet, je suis beaucoup plus sensible aux mots et aux commentaires que j'écris et dis à mes élèves. Mes enfants ne présentent pas de défis particuliers (pas encore) liés aux troubles d'apprentissage et de comportement, mais je suis davantage empathique (et sympathique!) envers les jeunes qui me sont confiés. Je vois et perçois mieux leurs efforts pour réussir. Mon but consiste surtout à soutenir leur persévérance, et ce, dans chacun de leurs petits pas, parfois fragiles.

Je me rappelle ma première année du secondaire. Jeune élève enthousiaste dans un Collège administré par des religieuses du Saint Nom de Jésus et de Marie, mon enseignante de français et de latin s'appelait Soeur Candide F. Toutes les semaines, nos leçons étaient composées de verbes et de mots de vocabulaire dans les deux langues. Le verbe aimer, en latin, je le maîtrisais parfaitement : Amo, amas, amat, amamus, amatis, amant. Néanmoins, lorsque Soeur Candide me demanda, au début d'un cours, de l'écrire sur le tableau noir (du malheur?), j'ai figé. Immense trou de mémoire, trou noir de la connaissance. Son courroux, du haut de sa chaire, je l'ai ressenti dans toute ma chair et tout mon coeur. Sa bouche vociférait des mots qui sont encore gravés dans ma mémoire : « Mlle, vous n'êtes qu'une imbécile, une sotte qui n'a pas du tout étudié le verbe aimer. Allez vous rasseoir immédiatement! »

Aujourd'hui, un tel éclat, un tel écart ne serait pas possible (du moins, je l'espère). Le monde de l'éducation a changé, pour le mieux bien sûr. Certes, j'ai été blessée à l'époque, mais maintenant, j'en ris. Ce qui fut une blessure se transforma en une incroyable force intérieure, celle de me faire confiance et de ne pas croire les paroles dites sans discernement. (Cette force vaccille parfois, j'en conviens.) Soeur Candide, malgré tout, m'apprit les rudiments du latin, l'analyse des phrases et des subordonnées, la construction de récits et autres joyaux de la langue. Aujourd'hui, je lui en suis reconnaissante.

Enfin, je sais que les mots blessent, mais quand ils sont dits ou écrits, ce qui arrive et arrivera encore entre les murs des écoles, qu'on le veuille ou non, prenons des notes, puis acceptons les leçons, bien humblement. Bref, soyons plus forts. C'est la semaine de la persévérance scolaire. Persévérons, envers et contre tous. Il y aura toujours des bévues, évidemment. Mais il y aura aussi toujours des gens pour nous rappeler que par-delà nos faiblesses, la belle Julie Philippon en est un excellent exemple, « le transfert de connaissances, reconnaître nos erreurs, aller de l’avant, avancer, réfléchir et trouver des solutions, briser les tabous... », c'est aussi ça l'éducation. C'est donc aussi accepter les erreurs des autres, à savoir des commentaires désobligeants de ceux qui, sans le savoir, laissent en nous des traces indélébiles. Encore une fois, les mots de Victor Hugo vibrent toujours en moi : Prenez garde aux choses que vous dites.

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