7 janvier 2013

Lettre à grand-mère

Chère grand-mère,

J'ai encore envie de t'écrire, car pour l'instant, c'est le seul moyen efficace que j'ai trouvé pour communiquer avec toi. Pardonne-moi si cette communication se fait ici, dans cet espace virtuel public que sont mes Chroniques Sympathiques, mais la beauté et l'émotion des commentaires qui ont été laissés dans ma lettre précédente m'ont convaincue de poursuivre cet exercice bénéfique.

C'était hier l'Épiphanie. En famille, on a toujours mangé un gâteau qui contenait deux pois. On consacrait un Roi et une Reine. Petite, je me rappelle encore quand moi et François étions, le temps d'un instant, les vedettes du jour. Hier, C. nous avait invités à manger de la galette. Angélique fut la reine, à son plus grand bonheur. En ton absence, à l'autre bout de la table, je vois encore ta fille pleurer, ma mère, sachant que ce moment ne reviendrait pas, mais surtout, que toi, tu ne serais plus jamais là pour vivre ces moments. Moi, je n'avais qu'à tourner mon regard vers l'extérieur de la terrasse pour t'apercevoir, à nouveau, sur cette civière qui t'a menée sur un autre chemin.

Le but de cette rencontre était également que C. nous remette les cadeaux que tu avais achetés avec elle avant Noël. Les enfants en furent ravis et enchantés. Quand j'ai vu les boîtes avec les petites chaises berçantes en bois, ce fut avec beaucoup d'émotion que je te remerciai intérieurement pour tant de bonté et de générosité. Merci, grand-mère.

Depuis ton départ, il me semble que la neige qui tombe est davantage féerique. Lentement, tout doucement, elle couvre la terre et panse un peu mes peines. Angélique se demande comment tu as fait pour te rendre jusqu'au ciel. L'imagination fertile et les dessins allumés (comme elle les nomme) qui l'habitent, elle croit que c'est grâce à une catapulte que tu y es parvenue. Marianne, pour sa part, dans toute sa douceur et sa splendeur, me dit que tu es le plus bel ange du ciel et elle embrasse souvent les airs, les yeux fermés. Enfin, Mathis-Antoine, puisqu'il accumule les bêtises, je lui dis que tu le regardes du haut des cieux, alors il s'excuse et aussitôt, il te fait quelques petites grimaces... Pardonne-lui ses folies de jeunesse!

Le 1er janvier dernier, quelques heures à peine après ton grand départ, j'ai décidé de voir pour la première fois (je dois être la seule au monde) un grand classique, La mélodie du bonheur. Quel chef-d'oeuvre musical! J'ai tellement pensé à toi, car tu aimais tant les chants et la musique. Cette histoire d'amour m'a profondément touchée, d'autant plus que la tournure dramatique liée au contexte politique de la Deuxième Guerre mondiale ajoute du piquant. Maria, avant de retourner au manoir du capitaine, se fait dire par la Mère supérieure qu'elle ne doit pas se réfugier dans les murs du couvent, mais plutôt affronter sa destinée qui s'ouvre à elle et ainsi servir le Seigneur. Cela m'a fait penser à tous les murs que l'on érige autour de soi pour soi-disant se protéger. Au lieu de vivre nos rêves, on se cache à différents endroits, mais tous les refuges que l'on crée ne sont que des prisons qui repoussent et retardent l'envol de notre véritable liberté. À méditer.

J'ai tellement d'idées à te communiquer, mais pour aujourd'hui, une toute dernière chose : je suis allée chez Ikea avec Marianne. Lorsque nous avons mangé ensemble, je ne cessais de penser à toi quand, cet été, nous avions dîné en tête-à-tête au même endroit. Tu trouvais tout si délicieux (toi qui mangeais si peu, tel un oiseau) et nous avions jasé pendant si longtemps. Te rappelles-tu les beaux tapis que tu convoitais, puis ceux que tu voyais dans ma maison? Eh bien! sache que j'en ai acheté un pour le salon. Si tu le voyais, je suis convaincue que tu en serais folle! Ainsi, la salle de lecture a un air chic et plus sophistiqué, de la classe quoi! J'ai aussi trouvé toutes sortes de babioles pour la cuisine, mais pas encore de grande table ni de buffet, comme je te l'ai promis. C'est notre petit secret, n'est-ce pas? Si tu savais à quel point j'ai hâte que ma salle à dîner soit prête. Je me rappelle encore quand je t'ai parlé au téléphone pour te remercier de la belle vaisselle que tu m'avais offerte. Quelle ne fut pas ma surprise, tout récemment, de constater que tu avais ajouté toutes tes belles tasses de thé! Chaque tasse, chaque assiette, tout avait été emballé avec soin et précaution. De voir tout le temps que tu avais dû consacrer à cette tâche m'émouvait. Depuis, j'ai savouré un thé vert dans une tasse ornée de fioritures or et ce fut exquis. S'il est vrai que le thé vert énergise et prolonge la vie, j'en boirais tous les jours volontiers à notre santé! 

Hélas! le cours de la vie normale ayant repris sa course aujourd'hui (journée pédagogique et stratégique), je ne pourrai pas m'offrir ce luxe quotidiennement, mais je tenterai de collectionner le plus grand nombre de moments de bonheur possible. Promis. C'est un questionnaire publié dans Coup de pouce et rédigé par Nadine Descheneaux qui m'a inspirée. Cadeau du Directeur général à ses troupes. Moi qui déteste les questionnaires bidons et insignifiants, je me suis laissé prendre au piège par celui-ci, rédigé avec brio. La preuve, j'ai cuisiné un canard au miel malgré la course du soir, juste pour le plaisir... Je voulais également préparer un boeuf bourguignon, mais j'ai préféré t'écrire. Je ne le regrette pas, car je me sens mieux, beaucoup mieux. Merci d'être là.

Demain, les classes recommencent ainsi qu'une nouvelle année, une nouvelle vie. J'ai des projets créatifs en tête et c'est seulement un pas à la fois que je les réaliserai. Tu seras mon étoile accessible, et ce, grâce à nos communications!

Bonne année, là où tu es. Dans ton château où tu possèdes tout ce qu'il y a de plus beau, protège-moi et protège les miens.

J'attends de tes nouvelles, 

Ta petite-fille,
Isabelle


2 commentaires:

  1. Bonjour Isabelle, je viens de lire vos lettres à votre grand mère, je reconnais que je suis en larmes, mais ces larmes sont en moi depuis si longtemps, depuis le décès de ma mère, cachées au plus profond de ma mémoire que j'avais oublié qu'on pouvais pleurer autant. Vos mots ont ravivés des souvenirs et permis d'ouvrir une porte bloquées depuis longtemps. Merci à vous et recevez toutes mes condoléances.
    Marie-Ange

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    1. Chère Marie-Ange (quel beau nom),
      Merci pour vos condoléances et merci de m'avoir écrit un si beau et touchant commentaire. J'espère que les souvenirs ravivés par mes mots apaiseront votre tristesse enfouie pour faire place à la joie.
      Au plaisir de vous relire,
      Isabelle

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