4 février 2013

Bonne semaine des enseignants!

C'est lundi matin. La routine reprend forme que je le veuille ou non, et ce, après plusieurs jours de congé forcé en raison d'une grippe intestinale... familiale! Depuis quelques jours, le même leitmotiv me revient à l'esprit : ne pas perdre le contrôle. Depuis trop longtemps, j'avais perdu le contrôle sur de petites tâches, ce qui m'affectait beaucoup plus que je ne le croyais de prime abord. Ainsi donc, ce matin, tous les lits sont faits, la vaisselle rangée, les traîneries bien cachées (!), la papeterie un tantinet mieux organisée, etc. Je pars le coeur et l'esprit un peu plus légers qu'à l'habitude. Mon agenda de prof contient ici et là des notes des élèves à qui je dois parler, ceux que je dois rencontrer, les parents à qui je dois retourner des courriels, le contenu du centre d'aide en français le midi, etc. Hélas, il contient également tout ce qui aurait dû être terminé, mais qui ne l'est pas. La liste est longue. 

Premier cours, je présente le sujet de la deuxième communication orale, à savoir une justification grammaticale. Je dis aux élèves qu'ils devront, le temps de quelques minutes, « jouer » au professeur. Je leur parle de l'importance de maîtriser leur sujet afin que tous comprennent les règles de grammaire qu'ils enseigneront. Après mes explications, je ne sais par quel chemin, mais les élèves me racontent des moments de leur parcours où des remplaçants, des stagiaires ou même des profs ne connaissaient pas trop leur sujet. Et puis, en toute simplicité, je leur parle de mes propres expériences... Je plonge dans quelques souvenirs. 

Je pense entre autres à mon premier stage dans une école publique durant lequel je suis sortie d'un cours en pleurant, me disant que je ne serais jamais une enseignante. Avec ma candeur et mon enthousiasme, je parlais de poésie avec des ailes dans le dos, mais les élèves n'en avaient rien à cirer, surtout qu'ils arrivaient à mes cours complètement... gelés. Je me rappelle de cette jeune fille de troisième secondaire, les yeux rougis par je ne sais quelle substance illicite, m'écoutant attentivement déclamer un poème de Victor Hugo, puis s'exclamant, à la toute fin : « Yo man, j'comprends full, c'est trippant! » J'avais réussi un bon coup. Je pense à mes autres stages, à mes premières années d'enseignement, à toutes les fois où je pensais qu'aider mes élèves, cela signifiait être leur « amie ». Je pense à toutes les fois où j'ai discuté de tout et de rien, toutes les fois où le programme était mis de côté pour mieux parler d'éducation, de valeur et d'autres sujets d'actualité. Beaucoup de succès, autant de ratés. 

Je pense à tous les bons et mauvais coups, mais surtout, je pense à ce foutu métier d'enseignant qui exige une persévérance hors du commun pour passer au travers vents et marées des programmes, des réformes, des drames entre collègues, des vagues à l'âme et difficultés d'apprentissage des élèves, des états d'âme et demandes des parents, puis j'en passe. Encore plus aujourd'hui, enseigner exige que nous adoptions une position certes d'autorité, mais également d'égalité, ce qui peut paraître paradoxal, mais fondamental. Car le savoir n'est plus détenu par les enseignants, il est partout quand on ouvre un livre, une télévision ou un ordinateur. Il est là et, plus que jamais, nous avons pour mission de donner aux jeunes des outils et des stratégies pour bien fonctionner dans cette mer d'informations.

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Pendant un court instant, ce matin, devant mes 36 élèves, je prends conscience du chemin parcouru depuis toutes ces années. Un instant, je savoure une petite victoire toute personnelle d'avoir survécu à mille et une embûches, mais d'être encore là, pour le meilleur et pour le pire. Avec tout ce que l'on entend, par les temps qui courent, dans le monde de l'éducation, pardonnez-moi l'expression, mais violemment ébranlé par des fous furieux, il y a de quoi se remettre à question. Quand la folie tue des êtres en devenir, des chenilles qui seront papillons, des apprenants innocents, cela me choque profondément. Que des pédagogues et des passeurs y passent également, dans le flot des tueries, cela me remue tout autant. 

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Mon moment marquant du jour est sans contredit celui d'avoir pris le temps d'aider un élève en difficulté. Prendre le temps de lui poser des questions grammaticales et d'attendre les bonnes réponses. Prendre le temps de défaire ses mauvais automatismes. Prendre le temps de le voir sourire et reprendre tout doucement confiance. Accepter qu'il m'aide en retour sur un autre plan. Être (agréablement) surprise qu'il me demande de faire plus de français et d'assister à mon cours avec le groupe enrichi. Un enfant heureux apprend mieux, c'est tellement vrai! Ah oui! j'allais oublier un autre beau moment jour, c'est-à-dire celui de savourer des petits coeurs en chocolat, une bonne galette et un café offerts par le meilleur des directeurs! 

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De retour à la maison, ma fille de 6 ans écrit une carte à son enseignante pour lui dire qu'elle l'aime, puis qu'elle aime aller à l'école parce qu'elle a le meilleur professeur. Ça aussi, ça me touche profondément, car l'humanité bienveillante est plus nombreuse et plus puissante que ceux qui essaient de nous faire croire que le monde est en perdition. Avec les petites douceurs que ma fille donnera demain, des petits gâteaux et des coeurs, j'ose croire qu'elle apportera une petite lueur de bonheur à celle qui lui donne le goût d'apprendre et par le fait même, le goût de (mieux) vivre...


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Pour les profs seulement : une feuille de consignes au cas où cela vous inspirerait...


Votre travail consiste à justifier l’accord d’un mot et d’une fonction dans l’extrait d’une œuvre littéraire. Ainsi, vous devez utiliser tous les outils d’analyse grammaticale que vous avez appris. Par exemple, il est indispensable que vous ayez recours aux classes (et groupes) de mots, aux fonctions ainsi qu’aux manipulations syntaxiques. De plus, vous devez bien maîtriser les règles de grammaire. Bref, votre tâche est de présenter une solution de problème, une justification qui explique clairement l’accord d’un mot (adjectif, participe passé ou verbe seulement) et une fonction (sujet, attribut du sujet, complément direct du verbe, complément indirect du verbe ou complément de phrase). La durée de l’exposé est d’environ 3 minutes. Nota bene : Durant la présentation, l’enseignante posera des questions pour éclaircir la justification au besoin.

Critères d’évaluation :

1. Présentation de la phrase dans un document Point Puissant (sur une clé USB) pour faciliter la communication en classe. Le titre et l’auteur de l’œuvre littéraire sont mentionnés.
2. Clarté de la justification
3. Utilisation des outils propres à l’analyse grammaticale
4. Qualité de la langue et prosodie


Exemple :

Le premier soir, je me suis donc endormi sur le sable à mille milles de toutes les terres habitées. J'étais plus isolé qu'un naufragé sur un radeau au milieu de l'océan. Alors vous imaginez ma surprise, au lever du jour, quand une drôle de petite voix m'a réveillé. Elle disait :
- S'il te plaît... dessine-moi un mouton!
Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince

D’abord, le premier soir est un groupe nominal (dont le noyau est soir) qui joue la fonction de complément de phrase. En effet, ce groupe peut être supprimé de la phrase ou encore déplacé sans que le sens en soit changé. De plus, la phrase peut être dédoublée ainsi : « Je me suis endormi sur le sable à mille milles de toutes les terres habitées et cela s’est passé le premier soir. ». Enfin, mentionnons que ce Gcp apporte une information supplémentaire liée au temps.

Ensuite, le mot habitées est un participe passé employé seul. À cet effet, il agit comme un adjectif, c’est-à-dire qu’il s’accorde en genre et en nombre avec le nom avec lequel il est en relation. Dans ce cas, il s’accorde avec le nom terres, qui est féminin pluriel.


Autre exemple :

« J’étais comme un prisonnier, mais hanté de rêves de mer, d’étranges îles et d’aventures. Je restais des heures à méditer sur la carte, dont tous les détails étaient fixés dans ma mémoire. Assis près du feu, dans la chambre de l’intendant, en imagination j’abordais cette île par tous les côtés possibles. J’explorais chaque pouce de sa surface, j’escaladais à mille reprises cette haute colline qu’ils appelaient la Longue-Vue et, une fois au sommet, je contemplais les paysages les plus divers et les plus merveilleux. »

Robert Louis Stevenson, L’Île au trésor

Premièrement, dans la première phrase, mentionnons que l’on retrouve une figure de style, la comparaison, qui compare le narrateur (Jim Hawkins) à un prisonnier, ce qui crée une image frappante. Ensuite, le mot hanté est un verbe au participe passé. Ne vous méprenez pas, il n’est pas seul, mais bien employé avec l’auxiliaire être. Il s’accorde donc avec son sujet, j’, qui remplace le jeune Jim, donc masculin singulier.

Deuxièmement, le GN les paysages les plus divers et les plus merveilleux, dont le noyau est le nom paysages, fait partie d’une phrase juxtaposée. Ainsi, le verbe conjugué est contemplais, car on peut l’encadrer par ne… pas. De plus, le sujet est le pronom je, car on peut l’encadrer par c’est moi qui. Enfin, le GN peut être remplacé par cela ou quelque chose. Mentionnons également que l’on peut poser la question quoi? après le verbe. En conclusion, ce GN joue la fonction de CD du verbe contemplais.

Nota bene : L’emploi judicieux des organisateurs textuels facilite la compréhension de votre explication.




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