« Chère Madame,
J’ai pris acte, après notre nuit d’amour, du bilan que vous m’avez énoncé. Vous me reprochez un manque d’endurance dans le désir. Vous auriez souhaité me percevoir plus fortement et plus longuement.
En d’autres termes, là où ma main, comme une chasseresse, tentait, à la lumière de palpés-roulés, de sautes-moutons charnels, de presses-chairs, de gifles humoristiques, de gratouillis de rongeurs, de pincements taquins, de traquenards sensuels, de débusquer vos fugitives zones érogènes, vous ne vouliez que la pression lourde du mâle libidineux qui force la jouissance par la brutale certitude du désir égoïste.
Là où mes baisers, par d’invraisemblables inventions, transformaient vos orteils en osselets de gamins, vos tétons en soyeux abdomens d’araignées, votre peau en patinoire élastique, votre bouche en exquise protestation, vous n’attendiez que l’embrassade goulue du consommateur.
Alors que je tentais, par mes caresses, d’approfondir votre anxieuse demande de consolation, en posant sur votre peau des problèmes infiniment délicats, vous désiriez la mise à mort de votre corps par la domination professionnelle d’un kinésithérapeute assermenté, d’un toréador à l’horizontale, d’un maître-nageur accompagné de son mode d’emploi, d’un militaire érectile, d’un héros de l’orgasme.
À ma proposition, qui était d’explorer à deux les méandres langoureux de vos béatitudes, vous préfériez un automate qui déclenche qui déclenche vos frissons comme la sonnette provoque l’ouverture d’une porte, un cheval qui hennisse dans votre sexe, un taureau qui déchire vos scrupules, un bronzé dont la stupidité n’hésite pas.
À la qualité structurante, vous préfériez la quantité déstructurante. Au plaisir qui calme, détend et ouvre un espace, vous préfériez la jouissance qui brise et détruit.
Alors, suicidez-vous sans moi.
Avec mes regrets. »
Lettres d'engueulades, Jean-Marc Coudray
Du même auteur : L'avenir est dans notre poubelle
Génial! Merci du partage!
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